Qui aurait pu imaginer qu’une simple bête à crocs se trouve parmi les monstres les plus forts du jeu ? Pourtant le Goss Harag a su s’imposer avec sa taille imposante et sa puissance physique spectaculaire tout en adaptant très fidèlement un des yokai les plus célèbres du Japon.

Le namahage
Le namahage (なまはげ) est un yokai célèbre malgré une diffusion géographique très restreinte. En effet, il est endémique de la péninsule d’Oga, dans la préfecture d’Akita au nord de l’île principale japonaise Honshu. C’est dans ces régions froides que sévissait cet oni. Vêtu d’un grand manteau de paille, le mino (蓑), avec un visage démoniaque abhorrant deux cornes arrondies, il était envoyé par les dieux en hiver. Il errait dans les villages enneigés et cherchait les paresseux qui ne contribuaient pas aux tâches de la maison.

A l’époque, les maisons étaient structurés autour d’une grande pièce centrale avec en son centre un irori (囲炉裏), un petit brasero qui servait à chauffer la maison et cuisiner. Et évidemment les normes anti-incendie, c’était pas trop ça à l’époque. Le feu avait donc tendance à laisser voler des petites braises et si vous les receviez sur la peau, en général au niveau des mains et des pieds, ça laissait des petites cloques. Et si vous aviez beaucoup de cloques sur la peau, c’est que vous passiez beaucoup de temps près de l’irori et que vous ne faisiez pas grand-chose de vos journées hivernales. Le namahage arrivait alors au milieu de la nuit, demandant namomi ko hagetaka yo (なもみコ剝げたかよ), “des cloques à peler?”. Et il vous aidait alors à peler les cloques avec un grand couteau de cuisine pour le poisson, le deba hocho (出刃包丁), et avec une grande délicatesse vous vous en doutez, les prélevant dans son teoke (手桶), un petit seau en bois.
De nos jours, le mythe a un peu évolué, présentant souvent une paire de namahage bleu et rouge. Le namahage bleu, ou plutôt la puisqu’il s’agit de Baba-namahage (ババナマハゲ, grand-mère namahage), conserve le rôle ancestral et peu sympathique avec le couteau et le seau. L’autre au visage rouge et du coup évidemment Jiji-namahage (ジジナマハゲ, grand-père namahage) transporte un onusa (大幣), une baguette d’exorcisme qu’il utilise pour purifier la maisonnée des mauvaises habitudes qui s’y sont accumulées dans l’année.

Ce duo de couleurs serait lié au conte populaire de l’oni rouge qui pleure. Pour un résumé rapide, un oni rouge voulait devenir ami avec les gens d’un village mais ceux-ci se méfiaient de son apparence. Son ami, un oni bleu, proposa de feindre une attaque sur le village, attaque que l’oni rouge repousserait, gagnant le respect des humains. Le plan se déroula comme prévu et l’oni rouge devint ami avec les humains, vivant et jouant parmi eux. Mais ne voyant plus l’oni bleu, il alla chez son ami, pour n’y découvrir qu’une lettre expliquant qu’ils ne se reverraient jamais puisque s’ils étaient vu ensemble, l’oni rouge serait à nouveau considéré comme un paria. Il pleura mais ne revit hélas jamais l’oni bleu. Il avait reçu le respect et l’amitié du village mais à quel prix? Ce conte explique bien la dynamique des deux namahage, le bleu étant le menaçant et le rouge le « gentil ».

Le namahage est également devenu une tradition du Nouvel An inscrite au patrimoine culturel du Japon comme bien important du patrimoine ethnologique vivant, des hommes célibataires déguisés en namahage se chargeant alors de traumatiser les bambins pas sages pour les remettre sur le droit chemin, un peu comme le père Fouettard de nos contrées. Il existe même un musée dédié au yokai à Oga, là où il sévissait autrefois.

Où commencer pour le Goss Harag tant celui-ci est une adaptation parfaite du namahage ! Commençons par la géographie puisqu’il est endémique de l’Archipel de Glace, une région maritime froide comme la péninsule d’Oga. Et l’apparence physique évidemment est une référence énorme. Ce gros nounours possède une fourrure blanche virant sur le brun, rappelant le manteau de paille du yokai, mais en prime un faciès similaire à celui d’un oni avec même les cornes arrondies.

Et en référence à Baba et Jiji-namahage, ses couleurs bleues virent au rouge quand il s’énerve (même si on peut critiquer le fait que c’est le namahage bleu qui tient le couteau, pas le rouge, l’esthétique ayant primé sur la référence). Son maniement des lames de glace rappelle aussi directement le deba hocho. En effet, c’est un couteau à lame lourde, fait pour des coups verticaux écrasants, un peu comme les attaques favorites du Goss Harag. Sa SnS est d’ailleurs littéralement un deba hocho tandis que sa CB a pour lame un couteau de cuisine et un bouclier rappelant fortement un teoke.

Le jeu ne se prive pas d’ailleurs de rappeler son rôle de bourreau d’enfants pas sages. En effet, la quête Village 5★ Monstre des neiges est donnée par une mère dont les enfants sont terrifiés par les cris de la bête tandis que la quête Grand-Camp 7★ Le croquemitaine vous est donnée par un garnement qui veut vérifier si les histoires de sa mère sont vraies. Parmi ses composants, il est même dit que les équipements fabriqués avec un Bloc de glace + ‘font froid dans le dos des enfants’. Ses Cornes ont aussi ‘tendance à effrayer les enfants’.


Et pour la partie plus ancestrale de la tradition, son nom japonais Goshahagi (ゴシャハギ) serait composé de hagi, pour namomihagi (ナモミハギ), traduisible par ‘peler des cloques’ (une des origines potentielles du nom namahage d’ailleurs) et gosha pour goshagu (ごしゃぐ ), une expression du dialecte de la préfecture d’Akita signifiant ‘gronder avec colère’. Si le nom occidental semble une adaptation phonétique frontale, j’ai une théorie personnelle avec un mix entre notre belle langue et la langue anglaise, avec goss pour un gosse soit un vilain garnement et harag pour harassment (harceler en anglais). Heureuse coïncidence ou choix délibéré je vous laisse à vos conclusions.
Mais en combat également, le Goss Harag ne manquera pas de punir ceux qui paressent! Certaines de ses attaques sont des combos dont le premier coup va lancer le joueur par terre avant de le refrapper une seconde fois s’il reste à ne rien faire au lieu d’utiliser une filochute (ce qui d’habitude fonctionne bien pour esquiver les attaques). Il a aussi tendance à prioriser les joueurs assommés avec une attaque spéciale où il marche lentement vers eux pour les punir. Après tout à ce moment-là n’êtes vous pas littéralement en train de vous tourner les pouces ?
L’onikuma
Comme expliqué sur la page Rise of the Yokai elle-même, le terme yokai est un mot valise qui regroupe à peu près tout et ça inclut les animaux anormaux telle la bête du Guévaudan qu’on a connu chez nous. Ainsi, un onikuma (鬼熊), littéralement ours démon, est juste un très gros ours. Connu pour marcher sur deux pattes, il est dit assez puissant pour jeter des rocs. Il attaquait les gens et le bétail dans les forêts.
Cette référence est assez évidente, le Goss Harag étant morphologiquement basé sur un ours. Vous pourrez même le surprendre en train de se frotter le dos à des surfaces comme un vrai ursidé et si vous le provoquez de loin, il lui arrive même d’arracher des blocs de glace pour vous les envoyer au visage (comportement partagé avec l’Arzuros d’ailleurs). Ajoutez le côté démoniaque du namahage et paf un ours démoniaque, un onikuma.
Une autre connexion évidente, c’est son drop rare, la Bile Goss Harag, « autrefois très prisée ». Et à vrai dire encore prisée de nos jours puisque la bile d’ours est un remède dans la médecine traditionnelle chinoise, censée dissoudre les calculs et avoir des vertus aphrodisiaques, le produit se vendant à 170€ le gramme. Elle contient de l’acide ursodésoxycholique ou ursodiol, présent en faible concentration dans notre bile mais bien plus dans celle des ours d’où le nom. L’ursodiol est capable de dissoudre le cholestérol et donc effectivement de traiter les calculs liés, en plus d’aider à la protection de l’appareil digestif. Mais du coup si c’est pas du cholestérol, ça sert à rien et pour ce qui est de la libido, c’est du pipeau si j’ose dire (en même temps, 90% de la médecine traditionnelle chinoise est aphrodisiaque j’ai l’impression, un bon argument vente après tout).

Et c’est sans compter les conditions de prélèvement juste horribles du produit, dans des fermes ursicoles avec des cages trop petites pour empêcher la mobilité de l’animal. Les lieux sont souvent insalubres et le personnel n’a en général pas la formation vétérinaire requise pour faire les chirurgies nécessaires à la récolte de la bile, entraînant tout le lot de blessures et maladies mortelles (pour un produit final souvent contaminé par du sang et autres joyeusetés à cause de ces mêmes conditions donc même côté conso humaine c’est pas ouf). Bref si vous souffrez de calculs, allez en pharmacie, ce sera mieux pour vous et les ours. Maintenant d’ici à ce qu’un certain Melynx fasse une publi sur Capcom qui encourage la maltraitance animale…


