Rise of the Yokai: La Rakna-Kadaki

Rôdant dans les Cavernes de lave, la Rakna-Kadaki est le dernier monstre introduit officiellement dans Sunbreak. Et si vous êtes arachnophobes, faites tout de suite demi-tour, ce Temnoceran étrange combinant pas moins de 2 araignées yokai avec des histoires populaires, le tout en incorporant des comportements de vraies araignées dans sa biologie !

Un grand merci par ailleurs à ShokoCosplay, une super cosplayeuse, pour m’avoir fourni les visuels de certains sets d’armure féminins.

La jorogumo

La jorogumo (絡新婦) est une araignée capable de se changer en une belle femme pour tromper ses proies. Littéralement appelée araignée prostituée, elle est connue pour charmer des jeunes hommes pour les attirer dans sa toile où elle les dévore. Elle est aussi connue pour pouvoir manier ses enfants, des araignées cracheuses de feu, comme vous pouvez le voir sur le dessin de Toriyama Sekien ci-dessous.

Dessin par Toriyama Sekien dans son Gazu hyakki yagyō en 1776

Bon les parallèles sont plus qu’évidents j’imagine. Le contrôle que la Rakna-Kadaki exerce sur ses Raknoids est particulièrement poussé, les petits allant jusqu’à régulièrement tracter leur mère avec des fils comme sur le dessin.

Une autre connexion intéressante avec le yokai, ce sont ses origines. En effet, la jorogumo est basée sur Nephila clavata, une représentante des néphiles, une famille d’araignées aussi appelée tisseuses d’orbes dorés à cause de la couleur de leur soie.

Nephilia Clavata femelle
La soie dorée des néphiles

Un peu comme le gigantesque ‘orbe doré’ que la Rakna-Kadaki créé pour protéger son abdomen quand elle perd ses Raknoids. Les néphiles mangent aussi parfois le mâle après la copulation, comportement qui a vraisemblablement inspiré la personnalité du yokai.

Réussir à frapper ses Raknoids pendant ses mouvements peut d’ailleurs offrir une chute assez large!

Les armes épéistes de la Rakna Kadaki suggèrent aussi fortement l’aspect trompeur du yokai. Ma favorite reste la Volto-hache. Avant son amélioration finale, elle est la ‘clé ouvrant la chambre d’une timide mariée’ tout en semblant suggérer que vous aurez du mal à sortir de cette pièce… Tandis que la version finale est plus honnête, ‘donnant accès à des horreurs innommables’.

Dans sa cinématique d’introduction, elle est même appelée la ‘Veuve errante’ à la ‘démarche sophistiquée’, ‘toujours accompagnée de ses enfants’ et portant une ‘robe d’ivoire’. Vous pourrez parfois la surprendre en train de repriser son habit.

Cette robe d’ailleurs n’est pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit d’un shiromuku (白無垢), un kimono de mariage. Il est composé d’un furisode (振袖), un kimono à longues manches (telle la toile de la Rakna-Kadaki traînant au sol sur ses pattes), et parfois d’une coiffe très particulière, le wataboshi (綿帽子, un peu comme la soie couvrant son crâne). Regardez l’icône de la Rakna-Kadaki et le parallèle est évident, avec la coiffe et les longues manches, les pattes avant étant ramenées comme pour prier.

Alors pourquoi l’armure ne reprend pas ce pattern pour un design plus européen ? La faute à Monster Hunter Generation. En effet, le Mizutsune est un monstre basé sur les renards. Tantôt messagers de la déesse de l’agriculture Inari (étant donné qu’ils mangeaient les rats), tantôt yokai malfaisants (sous la forme des renards à 9 queues kitsune 狐 comme la célèbre Tamamo-no-Mae), un des contes les plus célèbres lié à ses animaux étaient les mariages de renard. La tradition voulait que quand le soleil brillait mais que la pluie tombait (un phénomène météo appelé serein chez nous, tenkiame 天気雨 au Japon), c’était les renards qui lançaient un sort pour faire fuir les humains et tenir leurs mariages. L’armure féminine du Mizutsune a donc déjà été basé dessus et ça aurait fait doublon d’avoir deux armures de mariage japonaises, d’où le design plus européen.

D’ailleurs si on s’intéressait plus en détails à l’armure de la Rakna-Kadaki et surtout à ces descriptions ? C’est une des seules armures avec des descriptions différentes selon le sexe.

Ces descriptions semblent référer très directement au conte des chutes Jôren d’Izu dans la préfecture de Shizuoka. Un bûcheron tomba amoureux d’une femme qu’il rencontra près des cascades. Il allait la voir tous les jours mais semblait s’affaiblir un peu plus à chaque fois. Un prêtre soupçonna qu’il était sous l’influence d’une jorogumo et l’accompagna pour chanter un sutra. Voyant un fil tenter d’attraper le bûcheron quand ils arrivèrent sur place, il poussa un rugissement qui fit disparaître le fil et ils s’enfuirent. Mais même en sachant du coup la vraie nature de son amante, le bûcheron continua d’aller la voir, demandant même aux tengu l’autorisation de la marier. Quand ceux-ci refusèrent, il courut vers la cascade, finissant par se retrouver pris dans des fils d’araignée et disparaissant dans les eaux.

Artwork par ヒマワリちゃん sur pixiv

Yaoya Oshichi et l’incendie du furisode

Le maniement du feu de la Rakna Kadaki peut aussi être relié à deux autres histoires populaires japonaises, mêlant amour tragique et feu.

L’histoire de Yaoya Oshichi est plutôt simple. Le 25 janvier 1683, la maison d’Oshichi brûle. Elle est recueillie au temple où elle tombe amoureuse d’un des servants du temple. Leur idylle est interrompue quand elle doit immanquablement rentrer chez elle après la reconstruction de son domicile. Mais ses sentiments étaient tels qu’elle brûla à nouveau sa maison, feu qui fort heureusement fut vite maîtrisé. Une variante de l’histoire veut qu’elle sonne l’alarme sur une tour de guet anti-incendie pour attirer son amoureux. Dans les deux cas, il s’agissait d’un crime grave pour l’époque et elle est condamnée à mort. De nos jours, cette histoire d’une jeune femme commettant un acte fou par amour a été adaptée en de nombreuses pièces de théâtre au Japon.

Gravure sur bois par Kunisada Utagawa de la pièce de kabuki en 1856-1857

L’incendie de Meireki dit du furisode quant à lui est un incendie qui a ravagé Edo, l’ancienne Tokyo, en mars 1657 pendant 3 jours. Cet incendie est aussi appelé incendie du furisode (pour rappel un kimono à longues manches composant le shiromuku qui a inspiré le design de la Rakna-Kadaki). Le furisode qui aurait déclenché l’incendie appartenait à une jeune femme qui est tombée amoureuse d’un samouraï lors d’une visite au temple. Elle voulut approcher le bel homme mais le perdit dans la foule. Cependant, le motif de son kimono était gravé dans sa mémoire. Elle décida donc de demander un furisode avec le même motif pour essayer d’attirer son attention. Elle ne put hélas porter le vêtement puisqu’elle mourut peu après.

Après la cérémonie funéraire, les traditions bouddhistes du mouvement Nichiren populaire à l’époque veulent que les vêtements du défunt soient stockés dans un temple, pouvant être revendu pour faire des profits au temple. Du coup, logiquement, le furisode fut revendu à une nouvelle propriétaire. Mais après l’avoir porté une fois, la jeune femme fut affectée d’une étrange maladie et mourut. Le furisode revint au temple, les moines le revendirent à une autre jeune femme et le même manège se produisit, avec une nouvelle crémation et le retour du furisode au temple. Mais bon comme jamais deux sans trois, ils revendirent le vêtement une troisième fois et après que le vêtement ait clamé désormais sa quatrième victime, les moines prirent enfin la décision de le brûler. Sauf que pendant la crémation, des fragments du furisode comme vivants s’envolèrent et mirent le feu au sanctuaire et aux maisons environnantes. Et dans une Edo composée de bois et de papier, autant dire que ça a fait du dégât, avec la destruction de 60 à 70% de la ville, et le plus lourd bilan humain pour un incendie au Japon avec plus de 100 000 morts.

Gravure sur bois du Musashi abumi par Asai Ryōi en 1661

Le tsuchigumo

Le tsuchigumo (土蜘蛛), littéralement araignée de terre, est surtout connue à travers une pièce de noh du même nom. Elle raconte comment le samouraï légendaire Minamoto no Yorimitsu s’est retrouvé un jour alité par une maladie. Une femme étrange (ou un moine selon les versions) est alors apparue, tentant de le piéger et de le capturer. Sauf que évidemment ça n’a pas pris et le samouraï mit un coup de sabre au démon. Le lendemain, il pista la créature avec son lieutenant Watanabe no Tsuna jusqu’à une caverne. Au fond des grottes, il dut faire face à la vraie forme du yokai, l’araignée géante tsuchigumo, agonisant du coup de sabre précédent. Une fois morte, des milliers d’araignée s’échappèrent de sa plaie et Yorimitsu fut guéri de sa maladie, visiblement une malédiction infligée par le monstre.

Partie de l’emaki de Tsuchigumo où Yoshitsune et Tsuna tuent le yokai (artiste inconnu, XIII/XIVième siècle)

Pour la Rakna-Kadaki, les parallèles sont plutôt simples. Tout d’abord, elle habite avant tout des grottes comme le yokai. De plus, si tôt que vous cassez sa robe, détruisant son ‘illusion de femme’, les Raknoids encore présents sur son corps en chutent et s’enfuient, un peu comme les araignées s’échappant de la carcasse du Tsuchigumo après que Yoshitsune l’ait blessé. Et si ça manquait de subtilité, le nom japonais de la Rakna-Kadaki est Yatsukadaki (ヤツカダキ), quand un des noms alternatifs du tsuchigumo est… Yatsukahagi (八握脛).

Les vraies araignées

Car oui, en plus de mixer deux yokai, un peu comme l’Aknosom, la Rakna-Kadaki prend de nombreuses inspirations dans le comportement des vraies araignées. On a parlé précédemment des connexions entre la jorogumo et son inspiration réelle, les araignées tisseuses d’orbes d’or. Mais le comportement de transport des petits sur son dos est directement copié des araignées loup, des spécimens de nos contrées. Pour protéger leurs petits , ces dernières portent d’abord leur œuf sur le dos puis leurs petits une fois celui-ci éclos.

Une vraie mère poule

La troisième inspiration arachnide de la Rakna-Kadaki, ce sont les araignées pélicans. Fossiles vivants répartis entre Madagascar, l’Afrique du Sud et l’Australie, les araignées pélicans mangent d’autres araignées. Pour se protéger d’une morsure mortelle de leur proie, elles ont un cou qu’elles peuvent allonger et des crochets particulièrement longs, permettant de garder leur victime loin de leur corps.

Quand c’est toi qu’a la plus longue paire. Wait…

En jeu, la Rakna-Kadaki se sert de particularités similaires pour protéger sa tête, son point le plus sensible. De façon assez amusante, ça fait que la dite tête n’existe pas pendant la majorité du combat, ne devenant courtement accessible que quand elle chute ou lors de certaines attaques comme ses crachats de soie ou de flammes.

Et quand je dis n’existe pas, c’est « n’existe pas du tout » comme le montre le clip ci-dessous : le coup de lancement du Séisme de la HH touche bien la tête (effet de KO) mais l’onde de choc à retardement s’activant une fois la tête rentrée et donc inexistante, elle frappe son abdomen et un Raknoid (pas d’effet de KO, double chiffre de dégât + le Raknoid qu’a rien demandé qui se fait éjecter).

Si vous voulez un test de skill, je vous met au défi d’assommer une Rakna-Kadaki sans la mettre à nu, donc sans briser une seule de ses pattes (et je vous préviens, ça requiert de l’optimisation, de la manipulation d’IA et une bonne dose de chance, c’est vraiment dur).

C’est qui la patronne? C’est qui?

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