Si Sunbreak doit se baser sur le folklore plus occidental pour créer ses nouveaux monstres, Rise n’est pas en reste. En effet, le Somnacanthe est une rencontre entre les sirènes européennes, le ningyo et les yokai aquatiques japonais.

La sirène
La sirène référence deux créatures dans nos folklores. On a d’abord la variété issue de la mythologie grecque, des oiseaux à tête de femme. Elles séduisaient les marins avec leur voix afin de les conduire vers les récifs et un futur naufrage pour se délecter de leur chair. Un des mythes les plus célèbres de cette version est comment Ulysse trolla très fort les monstres dans l’Odyssée d’Homère. En effet, il put écouter leur chant sans écrasé dans les rochers. Et comment? Il s’est tout simplement attaché au mat de son navire et a bouché les oreilles de ses marins avec de la cire, avec pour consignes de serrer encore plus fort ses liens quand il demandait à être libéré. Et du coup, les sirènes se seraient suicidées de dépit.

Poterie grecque datée de 480-470 av. J-C
De l’autre côté et celui qui nous intéresse plus, c’est la sirène médiévale. On parle ici d’une créature au buste humain et aux jambes remplacées par une queue de poisson. Il existe une tonne de mythes liés à ces créatures, les dépeignant tantôt comme douces bienfaitrices, tantôt comme démons malfaisants. De façon générale, elles étaient réputées pour leur voix et leur chant élégant, capable d’endormir les marins.

On pense de nos jours que le mythe serait originaire des lamantins. Ces mammifères appelés vaches de mer nagent près des tropiques, en Amérique et en Afrique et font partie de l’ordre des siréniens. Ils ont une large nageoire caudale, des mamelles rappelant des seins et des cris plaintifs (d’où ‘lamantin’) qui ont pu inspirer le mythe. Celui-ci a ensuite été promus via des fausses sirènes composées de squelettes de singe greffés à des queues de poisson ou des cas de sirénomélie, une maladie génétique qui fusionne les deux jambes en une.


Pour le Somnacanthe, introduit dans sa vidéo littéralement comme la « Sirène soporifique » chantant une « mélodie aux sons envoûtants » et aux « notes suaves de la séduction » tout en nageant dans une source « aussi délicate qu’une berceuse », outre en prime la queue de poisson, c’est bien évidemment le chant qui référence ces créatures fantastiques. Celui-ci d’ailleurs imite la musique de la zone dans laquelle vous l’affrontez à des rythmes différents. Vous trouverez ci-dessous des clips condensés issus d’une vidéo japonaise par ララ9hJQr3//3o comparant les chants à l’OST dans chaque zone. N’hésitez pas à mettre un like à la vidéo d’origine!
Son maniement du sommeil est une autre adaptation de la créature de légende que l’on retrouve jusque dans ses noms européens et japonais. Somnacanthe est en effet basé sur Somnus, le dieu romain du sommeil (plus connu sous sa variante grecque Hypnos), tandis que le nom japonais Isonemikuni (イソネミクニ) comprend nem comme nemuri (眠り), le sommeil.
Mais on retrouve aussi l’inspiration des mammifères marins avec la façon dont le Somnacanthe manie des coquillages sur son abdomen. En effet, ce comportement est similaire aux loutres de mer qui mettent des pierres sur leur abdomen et cassent les coquillages qu’elles mangent avec en nageant sur le dos.
Dans le cadre du Somnacanthe, celui-ci possède un abdomen dur similaire à un taiko, un tambour traditionnel japonais, motif repris dans sa corne de chasse. Il s’en sert pour fracasser des coquillages qui ont alors des fonctions variées, allant du soin à l’explosion en passant par le flash.
Le ningyo
La version japonaise de la sirène est moins charmante. En effet, le ningyo (人魚) est juste un poisson à visage humain. Si on trouve une variante asiatique du lamantin, le dugong, ce dernier ne fréquente pas les eaux japonaises. Du coup pour imaginer des humanoïdes marins, les Japonais ont du se contenter des poissons et serpents.

L’un des contes les plus célèbres sur le ningyo raconte la légende de Yao Bikuni (八百比丘尼), la nonne de 800 ans. Un jour, un pêcheur a pêché un ningyo et a voulu le partager avec ses amis. Mais ses amis ont vite réalisé le visage humain du yokai. Or dans la religion bouddhiste, la consommation de chair humaine est interdite. Ils ont donc fait semblant de manger, cachant la viande impure dans des linges et décidant de la jeter plus tard…

Estampe datée de 1805
Sauf pour l’un d’entre eux un peu trop éméché qui l’a ramené chez lui. Sa fille affamée mangea alors la chair maudite, pensant que son père lui avait préparé un cadeau. Elle arrêta alors de vieillir et devint immortelle. Cette immortalité présenta rapidement ses vices cachés puisque la jeune fille assista à la mort de ses proches, génération après génération. Incapable de mettre fin à ses jours, elle décida de se couper des relations humaines et devint une nonne. Elle finit par disparaître vers l’âge de 800 ans, se retirant dans une caverne près du temple Kuuin-ji à Obama dans la préfecture de Fukui. Elle y médita, priant pour une fin à la malédiction. Dans certaines versions du récit, elle fut exaucée et se changea en pierre, tandis que dans d’autres, elle serait encore aujourd’hui dans la caverne en train de méditer.

Il semblerait qu’on retrouve une référence à ce conte dans le nom japonais du Somnacanthe, Isonemikuni avec ikuni comme dans Yao Bikuni. La version européenne comprend canthe, comme cœlacanthe, un poisson fossile vivant, une créature qui n’a presque pas évolué pendant plusieurs millénaires, un peu comme Yao Bikuni et ses 800 ans. Le coquillage de soin pourrait aussi référer à la longévité du monstre. Et du coup reste plus que Iso dans le nom japonais à expliquer.
Les yokais aquatiques féminins
C’est une référence aux très (très) nombreux yokai aquatiques basés sur des femmes serpentiformes. En effet, il existe une tonne de yokai de ce type, les plus connus étant la nure-onna (濡女) et l’iso-onna (磯女). Tous ces yokai ont en général pour point commun un corps similaire à nos sirènes européennes à part pour la queue de serpent au lieu de la queue de poisson et un modus operandi consistant à charmer les pêcheurs puis les noyer. Cela dit comme pour les sirènes, il en existe des plus sympathiques.

Les interviews des développeurs ont validé un de ces yokai positifs comme inspiration, jinja-hime (神社姫), aussi appelée himeuo (姫魚), une femme au corps de serpent et avec des cornes. Elle serait apparue à des pêcheurs, leur annonçant 7 ans de récolte abondantes suivis d’une épidémie de choléra. Cependant, ceux qui verraient une représentation du yokai seraient protégés contre la maladie.
Il existerait de nombreuses variantes de ce mythe et ainsi de nombreux yokai marins protégeant des maladies. Rien qu’en 2020, l’amabie (アマビエ), une étrange créature au visage de femme avec un bec d’oiseau, un corps de poisson écailleux et 3 pattes, a été mis en avant après qu’un document de 1846 le présentait comme repoussant les maladies. Si bien qu’un défi de dessin Twitter a émergé contre le Covid !

Et avec ça normalement vous serez en bonne santé pour un moment du coup!
Le design général du Somnacanthe référence massivement ces yokai en plus des sirènes, avec notamment toute l’esthétique serpentiforme du monstre. Vous pourrez même très rarement le voir peigner sa crête avec ses griffes, un peu comme une femme entretenant sa chevelure.
Le coquillage de soin peut être là encore vu comme une référence, soignant les joueurs à proximité et donc les protégeant des maladies dans une certaine mesure. Pour finir, c’est l’armure du Somnacanthe qui référence ces mythes, étant après tout basé sur une diseuse de bonne aventure, capable donc de délivrer des prophéties tel jinja-hime ou l’amabie. Son casque « évoque un ancien oracle » tandis que le torse permet de « voir ce qui se cache dans le cœur du porteur ».


